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Gautier Steiler, vivre la ruralité à vélo

Dernière mise à jour : 22 juil. 2023

Gautier Steiler, 27 ans, se projette en tant que “paysan-vélociste”. Depuis son arrivée en Isère (38), il développe l’autonomie alimentaire de son couple et utilise le vélo pour ses déplacements quotidiens, parfois sur de longues distances. Il nous livre une vision de la mobilité douce en milieu rural, et du mode de vie qui l’accompagne.


« Au collège, j’étais un élève correct. Je n’avais pas particulièrement la fibre écolo, mais un esprit rebelle. » Une rencontre avec le monde des plantes par chemins détournés amène Gautier à un BTS en horticulture. « Je dévorais des livres sur les plantes, et en même temps, j’étais un cancre ! »

Arrêtant son BTS en cours de route, il se retrouve quelques mois sur les bancs de la FAC avant de partir en volontariat dans des fermes agroécologiques* à la Réunion. Des rencontres déterminantes dans des lieux de production variés- polyculture élevage, maraîchage, verger, culture de Géranium bourbon destiné à la distillation…- l’amènent à préciser ses envies pour le futur. Alors qu’il était initialement attiré par le maraîchage, Gautier découvre en tant que volontaire que c’est un métier « rude, et peu valorisé », et renonce à en faire son activité économique.

Après une saison en tant que berger dans la Vallée du Soussoueou (Pyrénées Orientales), il intègre l’école de plantes médicinales de Lyon. « Lors de ma saison en tant que berger j'avais un collègue passionné de plantes, qui s'intéressait à l'ethnobotanique, en gros le lien entre la civilisation, les humains et les plantes. Ça a peut-être joué dans mon envie d'aller apprendre la santé par les plantes. »

En parallèle, pour se faire de l’argent, il devient coursier à vélo, et découvre le vélo-cargo.

« Je me faufilais dans la circulation. (...) C’était une révélation, à vélo on était capables de transporter une armoire ! » Gautier Steiler

Sa compagne Maëlis, aspire à une vie rurale et souhaite se former à l’apiculture. Germe alors l’idée de « ramener le vélo à la campagne. » Des déplacements quotidiens à vélo



En arrivant en Isère en 2020, Gautier et Maëlis vivent d’abord à Chasselay. Lui rejoint alors l’Atelier Paysan* de Renage, se formant ainsi à la conception de machines et de bâtiments adaptés à une agroécologie paysanne. Maëlis, elle, entame une formation apicole.

« Par provocation peut-être, j’ai 27 ans, et toujours pas le permis ! » Un côté subversif qui engage Gautier à pousser jusqu’au bout une logique de mobilité alternative. Alors qu’ils habitent respectivement à 20 km de leur lieu de formation, Maëlis comme Gautier font le choix du vélo pour leurs déplacements quotidiens.


« Maëlis faisait 40 km aller-retour en vélo électrique pour se rendre à son école. Et je faisais 40 km aller-retour en vélo musculaire pour aller à l’Atelier Paysan. »

Et ce, indépendamment de la météo. Le covoiturage est aussi envisagé en alternative, mais encore faut-il qu’il y en ait de disponibles ! Il y a des avantages, lorsqu’ « en allant faire nos courses à Saint-Marcellin, on gagne du temps comparé aux voitures, car on n’a pas à se garer ! »… et des difficultés, générant à la longue de la fatigue.


Cette expérience d’un an pour se faire les jambes aura eu le mérite de prouver qu'avec de la volonté, c’est possible de se déplacer à vélo en ruralité ! Sans renier sur sa volonté première de réduire sa dépendance au pétrole, Gautier réalise peu à peu que cela passe par une approche englobante de son lieu de vie et de ses déplacements : « On s’est progressivement rapprochés du lieu de travail de Maë. »

Une rencontre avec Laure, paysanne-boulangère à Chevrières, les amènent à emménager en colocation avec elle à l’automne 2022. Maëlis, salariée chez un apiculteur de la commune, est au travail en quelques minutes. Gautier, lui, s’emploie à développer l’autonomie alimentaire du lieu. Subvenir à ses propres besoins

Aujourd’hui, si Gautier n’a pas d’activité économique, il œuvre quotidiennement à subvenir aux besoins alimentaires de la coloc : une manière de relocaliser son mode de vie.


Avec 1000 m2 de zones cultivées, la colocation est quasi-autonome en légumes.

Avec 1000 m2 de zones cultivées, incluant une serre, des poules, bientôt des cochons… Les activités ne manquent pas. « Je passe environ un quart de mon temps au potager. Mais ça dépend des saisons, il y a plus de travail au printemps. (...) Dans les règles de l’art, ce serait plutôt un mi-temps. » Gauthier s’inspire de la pratique du japonais Masanobu Fukuoka, initiateur de l’agriculture naturelle* basée sur le non-agir. « Moins tu en fais, plus tu es rentable ! ». Aujourd’hui, la colocation est à peu près autonome en légumes. « Avec 1000 m2, on pourrait nourrir à terme 7-8 personnes. » Il faut aussi passer du temps au soin des poules, à la conception du futur abri des cochons…


Gautier, dans son atelier

Enfin, c’est toute une flotte de vélos- électrique, musculaire, vélo-cargo- qu’il faut entretenir. Dans l’optique d’en faire une activité économique, Gautier rejoindra à l’automne une formation de vélociste auprès de l’Institut de Formation du Vélo (IFV) de Voiron.







« À l’image des paysans-boulangers, des paysans-herboristes… J’aimerais être paysan-vélociste. » En poursuivant à mi-temps les activités de production vivrières, Gautier envisage de développer en parallèle un atelier de réparation de vélos, et d’expérimenter des applications agricoles à son usage.

Le vélo, nouvel outil agricole ?


« À l’Atelier-Paysan, j’ai découvert plein d’outils adaptés au monde paysan. (...) J’étais un peu le fou, qui dit qu’il va faire de l’agriculture à vélo. »

Gautier réfléchit ainsi à un système qui permettrait d'effectuer des travaux légers aux champs à l'aide d'un vélo.



À Chevrières, les ruches de Maëlis


Ayant à cœur d’expérimenter des solutions à même de servir l’activité apicole de Maëlis, il fait un premier test au printemps. Ensemble, ils déplacent 5 caisses (élément de ruche) en vélo-cargo afin de faire transhumer les abeilles sur une distance de 2,3 km. Dans le futur, avec un biporteur et une remorque, Gautier pense pouvoir en déplacer encore plus. « On pourrait mettre 3-4 caisses devant, et 3-4 derrière. »


Une autre inspiration : la brouette chinoise, très utilisée dans les pays asiatiques, qui permet de déplacer de lourdes charges. « C’est un outil bien plus rentable qu’une brouette classique. » Alors que la brouette européenne fait porter environ la moitié de la charge à celui qui la pousse, la brouette chinoise en supporte la quasi-totalité : il suffit d’exercer une force vers l’avant. On peut ainsi déplacer des marchandises, ou bien des personnes sur de longues distances.« La brouette chinoise devient un moyen de déplacement, alors que la nôtre est juste un outil pour déplacer quelques kilos sur des centaines de mètres. Je ne comprends pas qu’on ne l’utilise pas plus en Europe ! »


Ces applications low-tech à la vie quotidienne sont autant de moyens de se projeter dans le futur. Si Gautier envisage un « monde difficile », post-pétrole, il pense aussi qu’il « se débrouillera toujours ! » Ses besoins aujourd’hui ? « Avoir de l’eau pour arroser mes légumes(...). Et des outils pour finir mon vélo-cargo ! »


Animé par l’idée de restaurer le lien entre la campagne et la ville, il encourage celles et ceux qui sont à la recherche de plus cohérence écologique dans leur mode de vie à « l’engagement associatif, par le biais des jardins en ville par exemple. La première fois que j’ai fauché, c’était au Jardin d’Or, à Lyon ! »


* Par le biais de la plateforme WWOOF France (World-Wide Opportunities on Organic Farms)

* L’ atelier paysan est une coopérative qui accompagne les agriculteurs et agricultrices dans la conception et la fabrication de machines et de bâtiments adaptés à une agroécologie paysanne

* La révolution d’un seul brin de paille, Masanobu Fukuoka, édition Guy Trédaniel







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