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La Fontaine aux moutons, un élevage intégré au paysage

Dernière mise à jour : 13 mai 2023

Fruit d’une réflexion écologique passionnante inspirée des grandes transhumances des herbivores africains, nous vous emmenons à la rencontre de Fabien Letort, de ses brebis et de ses chèvres. Un élevage au plus proche de la dynamique naturelle des écosystèmes pâturés.



Fabien Letort et ses brebis Landes de bretagne. Photographie : Ilana Vasseur

Depuis 2015, Fabien Letort est installé à Pornic en élevage ovin et caprin. Dans sa ferme, La Fontaine aux Moutons, il élève 220 brebis Landes de Bretagne et 30 chèvres des fossés, des animaux de race rustique et locale dont la viande est distribuée en circuit court. Sur près de 100 hectares de terres (1), il pratique un pâturage en rotation dynamique : prairies littorales séchantes, boisements, prairies fraîches et ombragées, friches… la mosaïque de milieux pâturés procure aux petits ruminants de Fabien toutes les ressources dont ils ont besoin. Un système d’élevage en plein air intégral, peu gourmand en investissements matériels et favorisant la diversité du vivant. À l’occasion d’un chantier de plantation d’arbres, nous sommes allés rencontrer Fabien afin d’interroger sa vision du vivant, et plus spécifiquement celle de l’humain et de l’animal domestique dans le paysage.


Qu’est-ce qui t’as poussé à choisir un métier au contact de la nature ?


Fabien Letort : J’ai grandi dans la banlieue de Rennes, où j’ai pu bénéficier d’un cadre rural aux portes de la ville. Je passais du temps sur le terrain de mes arrières grands-parents, un verger de pommiers. Toutes les vacances, j’étais chez mon oncle et ma tante, qui sont éleveurs de vaches laitières. Mon père étant menuisier, il m’a appris à connaître les arbres, dont je connaissais déjà tous les noms en CE1 ! En 3ème, le temps des premiers choix d’orientation, j’ai d’abord voulu me tourner vers un métier naturaliste, avant de choisir des études agricoles. À l’âge de 15 ans, mon père a accepté de m’acheter ma première chèvre, à la condition que je l’élève. Au début de l’été, elle donnait 3 chevreaux. Finalement, je crois que mon métier s’inscrit dans la continuité de tout cela, du cadre privilégié au contact de la nature dans lequel j’ai baigné depuis mon enfance. C’est pour ça qu'aujourd'hui, ce que je fais au quotidien me semble être une évidence, alors que ça n'est pas toujours limpide pour d’autres !


Aujourd’hui, en quoi ton activité d’élevage de races locales rustiques te permet-elle de répondre à tes besoins ?


Je travaille avec 220 brebis de la race Landes de Bretagne, et 30 chèvres des fossés. Les brebis sont élevées pour leur viande qui est distribuée en circuit court auprès de restaurateurs et de particuliers, et nous vendons des lots de chevrettes à des agriculteurs souhaitant s’installer. En tant qu’éleveur, travailler avec des races rustiques présente de nombreux avantages, car elles sont mieux adaptées au territoire et donc moins dépendantes des hommes. Après guerre, l’industrie a sélectionné les animaux d’élevage pour leur productivité : on a décrété que les races locales n’étaient pas assez grosses, qu’elles ne fournissaient pas assez de lait… Pourtant, les races avec lesquelles je travaille sont résistantes au froid, ce qui me permet de travailler sans bâtiment, en plein air intégral. Elles ne nécessitent pas de fourrage complémentaire, car elles se nourrissent des ressources locales, présentes sur les terrains pâturés. D'un point de vue purement économique, il y a donc peu d’investissements matériels à faire à l’installation. Mais pour répondre à ta question, je dirais que ce système d’élevage en pâturage extensif répond à mes besoins car il répond aux besoins du vivant, dont nous faisons partie !



Les chèvres des fossés de Fabien


"Ce système d'élevage répond à mes besoins, car il répond aux besoins du vivant, dont nous faisons partie!"


Justement, en quoi ce système d’élevage en pâturage tournant dynamique agit-il en faveur de la biodiversité ?


Petit, j’adorais ces reportages qui passaient à la télé sur la vie sauvage en Afrique ! L’écosystème de savane présent aujourd’hui dans plusieurs pays africains est celui qui ressemble le plus à celui qui dominait en Europe avant la dernière glaciation (2) : les grands herbivores y vivaient au rythme des transhumances, et maintenaient un paysage ouvert très diversifié. Je m’inspire de cette dynamique pour organiser la rotation de mes bêtes sur les différentes parcelles qu’elles pâturent : de la même façon que les troupeaux de grands herbivores passent de zones sèches en hiver à des forêts plus humides en été, j’ai caractérisé les différentes zones de mes terrains selon la nature de la végétation qui s’y trouve. Mes troupeaux se déplacent régulièrement au fil des saisons. Cette dynamique permet la dé-sédentarisation du troupeau, on a moins de problèmes de parasitisme…

" C’ est un système plus cohérent avec son environnement, on se rapproche de ce qui devrait exister partout sur terre sans intervention de l’homme. "


Chantier de plantation d'arbres à La Fontaine aux moutons. Photographie : PRIMAIRE

Quel est donc le rôle de l’humain dans l’aménagement du territoire ? Quelle est ta place dans cet écosystème en tant qu’éleveur ?


Il y a un terme que j’aime employer, avec lequel tout le monde n’est pas familier : c’est celui de la biodiversité domestique. Ces espèces animales ou végétales ont été sélectionnées et domestiquées par l’homme. Elles sont donc le fruit d’une coévolution avec l’humain. Pour donner l’exemple du mouflon, l’espèce sauvage qui est l’ancêtre du mouton domestique, il a donné de par sa domestication par l’homme plus de 50 races de moutons différentes, ne serait-ce qu’en France. C’est très important, car c’est la preuve selon moi que l’humain peut créer de la biodiversité, et pas seulement la détruire ! C’est la sélection, puis la multiplication des grands herbivores qui ont survécu à la dernière glaciation qui ont permis à l’homme de continuer à vivre en connexion avec la nature. Pour revenir à mon quotidien, je crois que mon rôle est d’aménager l’espace pour l’élevage. J’essaie de le rendre plus “rugueux”, c’est-à-dire plus diversifié : ici, nous avons déjà créé 14 mares , nous conservons de vieux arbres qui servent d’abri ou de ressources pour tout un cortège d’espèces…


" L’humain peut créer de la biodiversité, et pas seulement la détruire ! "

Les deux chantiers de plantation d’arbres que tu as organisés au mois de décembre participent donc à cette même vision d’aménagement du territoire ?


Oui, tout à fait. Je dispose déjà de nombreux espaces intéressants pour élever mes petits ruminants, mais nous avons très peu d’arbres fruitiers. Nous avons donc implanté 500 arbres francs sauvages, essentiellement des pommiers et des poiriers, qui seront par la suite greffés de variétés anciennes en conservation, dans cette même logique de maintien de la biodiversité domestique. Cela permettra d’ajouter à l’agroécosystème de la ferme déjà complexe un nouveau biotope : le pré verger. Pour cela, nous avons pu bénéficier d’un financement de 75% de l’Europe et de la région Pays de la Loire dans le cadre de l’appel à projet LIGER Bocage agroforesterie.



Chantier de plantation d'arbres à la Fontaine aux moutons. Photographie : PRIMAIRE

Pourquoi as-tu choisi de t’implanter sur ce territoire plutôt qu’ailleurs ?


Cela s’est fait naturellement, lorsque les opportunités se sont présentées. Avant de m’installer, j’étais déjà impliqué dans plusieurs réseaux et associations locales, notamment dans le cadre de mon engagement pour les animaux de race locale en sauvegarde. Je crois qu’une installation réussie implique de s’insérer en amont dans l’écosystème local, pour ne pas arriver comme un cheveu sur la soupe ! Il faut “ s’intégrer au paysage ” en quelque sorte.


Pour conclure cet entretien, j’aimerais que nous parlions justement de savoir-faire et de transmission. Les races locales avec lesquelles tu travailles ont quasiment disparu du territoire pendant un temps. Aujourd’hui, il faudrait donc réapprendre à travailler avec ? Qu’est-ce que cela implique en termes de formation, de pratiques ?


En vérité, la pratique du pastoralisme n’a jamais vraiment disparu, c’est juste qu’elle est restée cantonnée à un secteur : le Sud-Est. À moindre mesure, il y a aussi un bassin d’élevage dans les Landes. En ce qui me concerne, je suis parti me former chez des bergers dans le Gard et le Vaucluse pendant deux mois en 2015. J’y ai appris les techniques d’élevage et de conduite de troupeaux en plein air sur de grands espaces naturels arides. J’ai enchaîné avec un mois de stage auprès d’un boucher pour apprendre à découper et valoriser la viande de l’agneau, avant d’emménager avec ma compagne Nathalie à la Bernerie. Aujourd’hui, il existe de nombreux dispositifs qui permettent d’être accompagné et de se former (voir ressources pratiques ci-dessous). Ils permettent de s’insérer au tissu local. Je crois que c’est par l’humain que l’on parvient vraiment à s’intégrer à un territoire !


1) Dont une partie appartient au département Loire-Atlantique et est classée Espace Naturel Sensible, et l’autre en fermage.

2) Durant l’époque géologique du Pléistocène, d’environ 2,58 millions d'années à 11 700 ans avant le présent. Elle précède la nôtre, l’Holocène.



Des moutons à Préfailles (44) sur une carte postale de 1907. Des brebis Landes de bretagne ?



 


Le coin réseau


Les ressources pratiques suggérées par Fabien :


  • Wwoof France (World Wide Opportunities on Organic Farms) est une association mettant en relation des visiteurs volontaires avec des agriculteurs bio, afin d’échanger d’humain à humain autour de pratiques agricoles écologiques. Un projet de volontariat bien ciblé peut permettre de se former en amont d’un projet d’installation, et de s’insérer sur un territoire.


  • La Coopérative d’Installation en Agriculture Paysanne (CIAP) accompagne les porteurs de projets d’installation en Pays de la Loire par le biais de divers dispositifs. Le stage " paysan créatif " permet de se former auprès d’un référent paysan pendant un an. L’accompagnement proposé par la CIAP est également financier et matériel (mise à disposition de matériel et de terrains d’expérimentation).


  • Le Réseau Paysans de Nature est une association permettant la mise en relation, à l'échelle locale, de paysans favorables à la protection du vivant.

  • Le Conservatoire des Races Animales en Pays de la Loire (Crapal) accompagne les collectifs d’éleveurs dans le suivi génétique, la promotion et la valorisation des races à faibles effectifs de ce territoire. Elle tient à jour une liste de fermes accueillant des stagiaires.


  • Se mettre en relation avec Fabien.





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