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Paysanne herboriste, une pensée écologique de la santé humaine

Dernière mise à jour : 28 mars 2023

Depuis le mois de mai 2022, Doriane Tuffier est installée avec son compagnon aux Eyzies (Dordogne), en tant que paysanne herboriste. Connaissance des plantes sauvages et cultivées, de leur production ou récolte à leurs différents usages, réappropriation de savoir-faire ancestraux... Découverte d'un métier peu connu, invitant à une pensée écologique de la santé humaine.



Doriane, en pleine récolte de lavande officinale lors de son apprentissage de l'herboristerie en Drôme

« Cela fait 30 000 ans que les êtres humains se sont établis ici, sans jamais quitter ce lieu. C’est que l’on doit y être bien ! » nous dit Doriane en souriant. Nous sommes dans cette région du Périgord Noir que l’on surnomme “ Vallée de l’Homme ”, on y a trouvé les premiers ossements de l’homme de Cro-Magnon. Au printemps dernier, Doriane et Clément y ont posé leurs valises. Le lieu qu’ils ont choisi, avec sa bâtisse de pierre, ses 2 hectares de prairies et 1,5 hectare de forêt, sa mare, ses arbres fruitiers… est le site idéal pour développer la nouvelle activité de Doriane. Formée à l’herboristerie, elle porte avec son projet La Renarde une vision englobante de son lieu de vie : culture de plantes médicinales, agriculture régénératrice, forêt-jardin, maison d’hôte... Un paysage déjà riche de biodiversité, façonné par l’humain, qui soigne et qui nourrit.


Le métier de paysan herboriste


« Certains disent qu’il y a “une voie” pour les herboristes. » À 27 ans, diplômée d’école de commerce, et après avoir travaillé 3 ans pour une grande organisation parisienne, c’est en écoutant un livre audio que Doriane choisit son futur métier. « L'héroïne était herboriste. C’était une évidence : je devais faire ça, moi aussi. » Elle multiplie alors les formations en ligne, les stages… Surtout, elle désire « apprendre à la source », par la pratique. Dans la Drôme, elle se forme auprès d’un paysan herboriste.


L’herboristerie est un métier ancestral, une profession qui englobe différentes techniques. Selon la Charte des Paysan.nes herboristes* il s’agit de « la culture, la cueillette et la transformation des plantes alimentaires, aromatiques, médicinales, tinctoriales, la commercialisation en vente directe ou circuit-court des plantes et produits transformés à la ferme, l’information et le conseil aux utilisateurs.trices sur les propriétés, usages traditionnels et précautions d’emploi en connaissance des normes et réglementations en vigueur. » Ainsi, la pratique du paysan herboriste implique une connaissance fine de la plante dans son environnement naturel, ainsi que de ses différentes propriétés alimentaires et médicinales. Elle passe par une appropriation des techniques traditionnelles de séchage, macération, distillation...


« Dans le passé, tout le monde se soignait de cette manière (...) Dans le système de santé actuel, il n’y a plus de propositions de prévention, on soigne les symptômes. » Doriane Tuffier

Selon Doriane, « l' herboristerie se positionne comme une approche complémentaire à la médecine moderne. Elle est particulièrement efficace en prévention, ou en soutien, sur le long terme, dans le traitement de maladies chroniques. »


La pratique de l'herboristerie en France


Historiquement, le métier concerne aussi le conseil thérapeutique de patients dans l’usage des plantes médicinales et comestibles : une pratique désormais interdite en France.


« En 1942, le diplôme d’herboriste a été supprimé, avec l’apparition des lobbys pharmaceutiques et l’apogée de la chimie nous explique Doriane. Aujourd’hui, en France, la profession n’est reconnue que partiellement, seulement pour sa partie agricole. »


Ainsi, la prescription médicale n’est pas autorisée. Cependant, depuis 2008, 148 plantes aromatiques et médicinales ont été libérées du monopole pharmaceutique. Il est donc possible, dès lors que l’on dispose d’un statut agricole, de les produire, les récolter et les proposer à la vente directe. Si, dans les faits, la pratique de l’herboristerie est encadrée par de multiples législations européennes ou françaises- plus ou moins adaptées à l’exercice de ce métier artisanal- il n’existe pas à ce jour de diplôme reconnu par l’Etat.


« C’est le serpent qui se mord la queue. Comme il n’y a pas de diplôme, il est difficile de distinguer les bons herboristes des charlatans. » Doriane Tuffier

Se soigner par le vivant, une pratique paysanne


Le mandala en préparation permettra la culture de plantes médicinales

Sur le terrain attenant à la maison, Doriane, munie d’une grelinette, aère la terre des futures bandes de culture de plantes médicinales. Disposées en mandala, elles ont été préparées à l’occasion d’un chantier participatif au mois de novembre. Avant de semer, ou planter quoi que ce soit, Doriane et Clément ont passé quelques mois à observer la dynamique de leur nouveau lieu de vie : les plantes qui y poussent spontanément, le sol, la pente, l’ensoleillement… Une vingtaine de variétés différentes d’arbres comestibles ont été plantées à la fin de l’automne, afin de voir comment ils se comportent sur ce terrain argileux.


L'observation, l’écoute sont autant de qualités d’un bon herboriste.


« Les plantes sont complexes, et les êtres humains le sont aussi. L’intelligence de l’herboriste consiste à avoir une réflexion globale. » Doriane Tuffier

C’est un métier qui implique une relation directe, sensible avec son propre écosystème. Pour celui qui aurait un peu de terrain, et pas de compétences, il est aussi possible de s’initier au soin par les plantes : « En France, il y a une bonne culture de l’infusion. Il y a toujours possibilité de s’approvisionner en plantes que l’on n’a pas chez soi auprès de paysans herboristes, qui sont désormais nombreux sur le territoire. »


Avec 148 plantes autorisées à la vente, c’est par la connaissance fine des plantes sauvages et cultivées, par la culture sur de petites surfaces et la cueillette à la main que l’on exerce cette profession. « C’ est un métier paysan. »


Dordogne, terre d’accueil


La maison de Doriane et Clément, nichée dans sa vallée aux Eyzies

L’installation de Doriane est un projet mûrement réfléchi, fruit d’un long cheminement. «J’avais posé l’intention de m’installer en 2021. Nous avons signé le 21 décembre ! » Clément l’a suivie dans cette aventure. Lorsqu’on leur demande selon quels critères ils ont choisi ce territoire, un aspect revient régulièrement : « On voulait que ce soit une terre d’accueil. Lorsqu’on est venus ici pour la première fois, on a rencontré des gens accueillants, qui semblaient heureux de vivre ici » raconte Clément.


Sur un territoire vivant en grande partie du tourisme, ils ont choisi, eux aussi, d’accueillir. À la belle saison, ils deviennent maison d’hôtes. Dans les repas proposés à leurs visiteurs, ils incorporent des plantes sauvages. « C’est plus pédagogique qu’autre chose, explique Doriane, je propose des fleurs comestibles par exemple. » Il s’agit de montrer qu’en connaissant la nature sauvage, il est en partie possible de se nourrir. « Je ne pense pas que l’on puisse se nourrir à 100% de sauvage. À la bonne saison, disons que c’est la moitié de notre salade. »


Selon elle, la bonne équation est d’associer le potager, la forêt-jardin et les plantes sauvages. « Par la dispersion des graines, on a parfois des plantes plantées qui se comportent de manière sauvage. Il est alors difficile de distinguer ce qui est sauvage, de ce qui est cultivé. » Lorsque l’humain se replace au cœur d’un écosystème, peut-être la distinction n’a-t-elle plus lieu d’être ? « J’aime les plantes semi-sauvages. Elles sont la preuve qu'en façonnant le paysage, l’humain peut avoir un apport positif. »



* La charte des Paysan.nes herboristes a été élaborée par la Fédération des Paysans.nes herboristes qui regroupe différents organismes et groupements de producteurs.trices.




Le coin réseau


En 2023, Doriane a pour projet d'organiser des stages " Se nourrir à chaque saison ", ou des journées thématiques par plante. Dans le futur, elle proposera également à la vente des plantes transformées par ses soins. Pour suivre l'actualité du projet, ou entrer en contact avec Doriane et Clément :




Ressources pratiques



Pour aller plus loin sur le métier de paysan herboriste :


  • La Charte Paysan.ne herboriste élaborée par la Fédération des Paysan.nes herboristes

  • Le Cahier des charges élaboré par le Syndicat inter-massifs pour la production et l’économie des Simples(SIMPLES), permettant d’encadrer chaque étape de la production et de la transformation des plantes aromatiques et médicinales dans le respect des écosystèmes

Trouver un paysan herboriste près de chez soi : Le Syndicat SIMPLES a recensé et cartographié les fermes respectant leur cahier des charges ici.


Se former au métier de paysan herboriste :


Pour se former au métier d’herboriste, il est possible depuis 2020 de suivre pendant un an un Brevet Professionnel Responsable d’entreprise agricole (BPREA) Paysan Herboriste, proposé par le Centre de Formation Professionnelle et de Promotion agricole (CFPPA) de Nyons. On peut aussi suivre un BPREA Production de plantes à parfum, aromatiques et médicinales (PPAM), ou bien un BPREA maraîchage, en faisant un stage chez un paysan herboriste. Enfin, il est possible de s’installer en tant qu’indépendant, dans le respect de la législation en place.


D'autres formations conseillées par Doriane :


  • Permaforêt, à Autun dans le Morvan, est une association proposant des stages et formations autour des plantes sauvages comestibles et des champignons, leur écologie, leurs usages au jardin et en cuisine.


  • Le campus des alvéoles est une plateforme multimédia d’apprentissage, proposant de nombreux contenus en présence ou en ligne sur les plantes, l’agroforesterie, le design permaculture. Vous pouvez retrouver l’ensemble de leurs propositions dans leur catalogue de formations.





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